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Aider son entreprise à changer le monde

Par Sherlyn Assam, contribution spéciale, OEFC

Pour certaines entreprises, les normes environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sont une occasion d’impressionner clients et investisseurs. Pour d’autres, elles impliquent des obligations d’imputabilité envers le gouvernement fédéral. Mais si vous n’avez pas de société cotée en bourse et que les progrès réalisés sur les plans environnemental, social et de la gouvernance ne sont pas une priorité pour vos parties prenantes, de telles mesures n’ont peut-être aucune incidence sur votre fonctionnement. Du moins, pas pour l’instant.

Prenons l’environnement (le « E »). Si la planète parvient à limiter ses émissions à un niveau net nul d’ici 2050, on pourrait arriver à limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré Celsius et du même coup éviter de causer des dommages irréversibles au climat. Saviez-vous que les PME sont à l’origine d’environ 30 % des émissions de gaz à effet de serre du Canada?

Il ne faut surtout pas sous-estimer l’impact des achats responsables sur vos futurs clients. D’après une étude de la Banque de développement du Canada (BDC), 82 % des grands acheteurs au Canada exigent de la part de leurs fournisseurs qu’ils satisfassent à au moins une mesure ESG.

« Sans aucune mesure ESG, les petites et moyennes entreprises ne seront pas retenues pour les gros contrats », soutient Lindsay Hampson, fondatrice de ThisRock. « C’est un danger bien réel. »

ThisRock a comme mission d’aider les PME à adhérer aux principes du développement durable tout en demeurant rentables. Les entreprises qu’elle sert sont catégoriques : leurs clients potentiels ne se gênent pas pour demander si elles ont mis en place des politiques en matière d’environnement ou si elles mesurent leurs émissions.

« Soit elles perdent des clients parce qu’elles ne peuvent pas répondre oui, soit elles n’obtiennent pas les contrats voulus. »

Lindsay Hampson a fondé ThisRock pendant ses études à la maîtrise en administration des affaires, car il devenait clair pour elle que les entreprises seraient bientôt nombreuses à avoir besoin d’aide afin de s’adapter à un monde de plus en plus axé sur le développement durable.

Elle décrit son équipe de conseillers et conseillères comme les responsables du développement durable qu’il manque à bien des entreprises. Ces spécialistes travaillent en collaboration avec les entreprises pour mieux comprendre où ces dernières se situent dans leurs démarches en matière de développement durable, et ce qu’elles sont en mesure d’accomplir. ThisRock suit un processus en trois étapes : elle examine et évalue les mesures ESG actuelles, élabore des stratégies et met en œuvre de nouvelles initiatives, puis exécute un plan de communication et de formation de manière que les entreprises soient en mesure d’exposer leurs progrès aux parties prenantes.

Bien que chaque entreprise avec laquelle travaille Lindsay Hampson soit unique, le parc de véhicules est généralement une bonne piste pour se lancer. À titre d’exemple, pour une entreprise qui compte 80 camions sur la route, ThisRock recueillera les données à l’échelle de l’organisation afin de déterminer les moyens à prendre pour rendre le transport plus efficace. Il pourrait s’agir d’établir un échéancier pour remplacer les véhicules à essence ou à diesel par des véhicules électriques ou hybrides, et d’élaborer une stratégie pour faire sauver de l’argent à l’entreprise à long terme.

On peut aussi se pencher sur les tâches courantes des membres du personnel afin d’y intégrer les principes du développement durable.

« Parler à son équipe de gestion des déchets et de l’eau, de consommation d’énergie, cela peut avoir un réel impact. Rappelons-nous que certaines personnes n’ont pas encore pris l’habitude d’éteindre les lumières avant de se coucher. » Le simple fait de se rendre au bureau deux jours par semaine plutôt que cinq, cela a un impact énorme.

Mais les formations vont au-delà de la consommation d’énergie. « L’éthique, les droits de la personne, la diversité, l’équité et l’inclusion sont aussi des enjeux à approfondir, poursuit Mme Hampson. Cela a un effet boule de neige qui finit par rendre tout le monde à l’affût de ces sujets. » Il convient de rappeler que tout n’est pas question d’environnement en ce qui a trait aux normes ESG. Les pratiques progressistes sur les plans social et de la gouvernance pèsent lourd dans la balance également. Lorsque les normes ESG s’inscrivent dans la culture d’entreprise, les pratiques commerciales évoluent sous l’effet de facteurs externes.

C’est ce qui permet à des organisations comme la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) de réaliser des avancées. L’ITF est un regroupement mondial de syndicats qui se consacre à la protection des droits, de la sécurité, du salaire et des conditions de travail des travailleurs et travailleuses du secteur des transports. Représentant plus de 18,5 millions de personnes dans le monde entier, l’ITF collabore avec des employeurs responsables afin de promouvoir des modèles d’affaires durables relativement aux droits de leurs travailleurs et travailleuses, et d’assurer l’imputabilité à cet égard.

L’ITF peut s’assurer que les entreprises avec qui vous faites affaire pour transporter vos marchandises ou recevoir les matériaux nécessaires à la fabrication de vos produits s’efforcent de mettre la santé, la sécurité et le bien-être de leurs employés et employées au cœur de leurs priorités.

Les ressources du regroupement contribuent également à intégrer des pratiques commerciales durables et les transitions équitables au sein de la main-d’œuvre.

Si ces consultations, formations et campagnes peuvent sembler faciles à organiser, la conseillère d’entreprise Jenifer Bartman affirme que c’est tout le contraire. « Les chefs d’entreprise qui songent à ces questions doivent bien se préparer – un travail de recherche s’impose », précise-t-elle.

Répondre à des normes ESG n’apporte pas des résultats immédiats. Sans compter que cela peut accroître les coûts d’exploitation, en plus d’alourdir le fardeau administratif de l’entreprise. Mme Bartman insiste sur l’importance de trouver des associations sectorielles ou des conseillères ou conseillers résolus à aider les entreprises à opérer des changements durables.

Les associations sectorielles suivantes travaillent en soutien aux entreprises qui souhaitent s’améliorer sur le plan des pratiques durables :

D’autres associations, comme la Canadian Collaboration for Sustainable Procurement, s’intéressent aux chaînes d’approvisionnement dans de multiples secteurs. Ce réseau d’institutions du secteur public vise à favoriser les échanges et à créer conjointement des outils afin de gérer les risques présents dans les chaînes d’approvisionnement sur les plans environnemental, social et éthique, de même que pour les populations autochtones.

Les préoccupations ESG peuvent mener à choisir des fournisseurs responsables. « Les chefs d’entreprise peuvent commencer à se montrer un peu plus sélectifs et sélectives, ajoute Mme Bartman. Que veut-on acheter? À qui veut-on l’acheter? Que doit-on rechercher? »

Si l’on se fie à l’étude de la BDC, les grandes entreprises seront encouragées à inclure les chaînes d’approvisionnement dans leurs résultats ESG. Les entreprises en général auront besoin de réponses, notamment en ce qui a trait à la réduction de la consommation d’énergie (E), aux investissements communautaires (S) et à l’obtention de certifications liées au développement durable (G).

Pour Jenifer Bartman, il ne faut pas hésiter à poser ce genre de questions dans nos échanges avec les fournisseurs. Ces derniers devraient « être en mesure de nous orienter vers les politiques et les pratiques en vigueur, préciser qui est responsable de ces volets et donner des exemples concrets de gestes qu’ils posent. »