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Les missions commerciales valent-elles l’investissement pour les femmes entrepreneures?

Par Kylie Adair, contribution spéciale, OEFC

Penny Tremblay se souvient du moment qui a changé la donne pour son entreprise. Elle participait à une mission commerciale dirigée par PARO, Centre pour l’entreprise des femmes, et écoutait l’exposé donné par une entreprise de légumes biologiques congelés, qui déclarait avoir réalisé un chiffre d’affaires de 80 millions de dollars en l’espace d’un an seulement. « J’étais renversée, dit-elle. Cela a été un moment décisif dans ma vie. S’ils peuvent faire 80 millions de dollars avec des légumes biologiques, comment puis-je faire un million ou deux, ou 80 millions? »

Mme Tremblay est médiatrice en milieu de travail et auteure de Sandbox Strategies for the New Workplace. Elle a récemment commencé à élaborer une stratégie d’exportation pour ses services et, selon elle, ce sont les missions commerciales qui l’ont aidée à façonner sa stratégie.

Les missions commerciales peuvent contribuer à la réussite de nombreuses femmes entrepreneures désireuses de se lancer dans l’exportation, mais il faut pour ce faire comprendre à fond la manière de tirer le meilleur parti de ces occasions.

Qu’est-ce qu’une mission commerciale?

Une mission commerciale est un voyage international destiné à mettre en relation des entrepreneurs et des possibilités de faire des affaires avec des organisations d’autres pays. Toutefois, certaines délégations sont désormais formées par des organisations non gouvernementales,

souvent des réseaux de femmes propriétaires d’entreprise. Par exemple, WEConnect International, une organisation mondiale dont la mission consiste à mettre en relation les femmes entrepreneures avec des entreprises avec lesquelles elles peuvent faire des affaires, organise une délégation canadienne pour participer à la conférence nationale WBNEC en 2024 à Denver, au Colorado.

Ces conférences axées sur les femmes sont également appelées conférences pour la diversité des fournisseurs.Ce sont des conférences qui aident les sociétés à diversifier leur source de fournisseurs. Autrement dit, elles visent à mettre en relation des propriétaires d’entreprise issus de groupes sous-représentés avec des acheteurs potentiels de leurs produits et services, afin de contrebalancer les nombreuses années pendant lesquelles les femmes et les autres groupes marginalisés n’ont pas eu accès aux mêmes occasions d’affaires et d’exportation que les hommes blancs cisgenres. De nombreux gouvernements offrent des incitatifs aux sociétés pour qu’elles diversifient leurs chaînes d’approvisionnement.

En fin de compte, les missions commerciales peuvent constituer un point d’entrée primordial pour tout entrepreneur qui débute dans l’exportation. « N’allez pas assister à un gros événement dans un autre pays sans d’abord vérifier s’il existe une mission commerciale à laquelle vous pouvez participer » , déclare Stephanie Fontaine, directrice régionale pour le Canada et les États-Unis chez WEConnect International.

Comment les missions commerciales axées sur la diversité des fournisseurs peuvent-elles aider les femmes entrepreneures?

« Les femmes devraient faire partie de toutes les missions commerciales, soutient Marcela Mandeville, présidente-directrice générale d’Alberta Women Entrepreneurs, une organisation qui fournit des ressources et des services de soutien aux femmes propriétaires d’entreprise de l’Alberta. Les femmes devraient être présentes à toutes les tables pour participer aux discussions d’affaires et prendre les décisions sur la manière dont les débouchés se présentent ».

Elle estime que les missions commerciales axées expressément sur les femmes peuvent offrir des avantages importants, notamment en mettant les femmes en relation avec des acheteurs potentiels qui ont le mandat précis d’intégrer un plus grand nombre d’entreprises détenues par des femmes dans leurs chaînes d’approvisionnement.

Mme Mandeville participe à des missions commerciales depuis plus de 20 ans. « Je suis tombée amoureuse de cette idée d’avoir un impact collectif. Une façon de s’organiser, de tenir les bonnes réunions, d’avoir les bonnes relations, d’obtenir le soutien sur le terrain des différents ordres de gouvernement et d’organismes qui veulent vraiment voir les entreprises canadiennes réussir, dit-elle. En ce qui concerne les missions axées sur les femmes, cet impact collectif se traduit par la création de « souvenirs durables » pour les acheteurs, et les femmes entrepreneures peuvent ainsi se faire connaître auprès d’eux. L’union fait la force », ajoute Mme Mandeville.

Comment pouvez-vous aider une propriétaire d’entreprise à se préparer à une mission commerciale?

Les missions commerciales représentent un investissement important, et les propriétaires d’entreprise doivent souvent débourser plusieurs milliers de dollars en frais de déplacement et d’hébergement, sans parler du temps passé loin des activités quotidiennes de l’entreprise. Pour que l’investissement en vaille la peine, les entrepreneures doivent bien se préparer, avant, pendant et après le voyage.

Première étape : S’assurer que l’entreprise a la capacité d’exporter

Bien qu’il puisse être avantageux de participer à une mission commerciale dans le seul but de s’informer sur les possibilités d’exportation et de se bâtir un réseau international, Mme Fontaine est d’avis que les personnes qui obtiennent le plus d’avantages concrets sont celles qui ont fait leurs calculs et qui connaissent exactement la valeur des contrats dont elles pourraient s’acquitter selon leur capacité actuelle.

Par exemple, les grandes sociétés n’offrent généralement pas de dépôts, de sorte que les entreprises doivent disposer de suffisamment de liquidités pour couvrir les coûts de production de tout produit qu’elles offrent, de dire Lise Blondin, qui dirige les missions commerciales au sein du Réseau des Femmes d’affaires du Québec.

Deuxième étape : Se renseigner sur les participants aux missions commerciales

L’un des principaux moyens de tirer le meilleur parti d’une mission commerciale est de savoir qui d’autre y sera, et même de prendre contact au préalable. Selon Mme Mandeville, de nombreuses délégations proposent des rencontres en ligne avant le voyage, afin que les entrepreneurs puissent entrer en contact les uns avec les autres. « Si vous avez fait vos recherches, si vous avez eu une conversation préliminaire et que vous vous rencontrez ensuite en personne dans le cadre de la mission commerciale, vous aurez l’impression d’être amis depuis 10 ou 15 ans déjà ». Elle ajoute qu’elle a souvent vu des femmes entrepreneures s’associer et travailler ensemble à soumissionner à des appels d’offres après s’être rencontrées lors de missions commerciales.

Troisième étape : Faire un suivi

« Vous n’imaginez pas le nombre de fois que j’ai parlé à des acheteurs à la suite d’un événement ou d’une mission commerciale; je passais en revue une liste et je disais : “Vous avez rencontré ces dix entreprises. Que s’est-il passé? Avons-nous une histoire de réussite ici?” Et ils me disent que la personne n’a jamais fait de suivi », explique Mme Fontaine. Il est essentiel d’élaborer un plan de suivi après la mission pour toutes les nouvelles relations que vous établissez. « Il faut du temps et des ressources, mais si le suivi n’est pas fait, ils risquent de passer à côté de l’occasion, » déclare Mme Blondin.

Selon Mme Fontaine, les propriétaires d’entreprise peuvent demander à leurs nouvelles relations les renseignements qu’elles aimeraient recevoir comme suivi et le moment qui serait propice pour reprendre contact. Ils peuvent alors dresser un plan d’action pour les suivis, par exemple en envoyant un courrier électronique lorsqu’ils ont un nouveau produit ou service à proposer.

Cela dit, les propriétaires d’entreprise ne doivent pas s’attendre à un succès instantané; il faut parfois des années pour développer une nouvelle relation d’affaires. L’expérience peut toutefois s’avérer bien précieuse. « Il est rare de repartir avec une entente conclue avec une grande entreprise, termine Mme Tremblay. Mais l’occasion de parler avec des gens, de se faire poser des questions, voilà qui orientent réellement votre réflexion et la façon dont vous gérez votre entreprise, et c’est vraiment précieux ».