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Ce que vos clients doivent savoir au sujet de la PI avant de commencer à exporter

Par Kylie Adair, contribution spéciale, OEFC

Ce qu’a vécu l’entrepreneure canadienne Johanne Boivin, c’est ce que bien des propriétaires d’entreprise qualifieraient de cauchemar. Après 18 ans à la tête de Joanel, une entreprise de sacs en cuir, elle a vu l’un de ses modèles les plus populaires être copié par un géant du commerce américain.

« Ce fut pour moi le coup le plus dur à encaisser depuis la fondation de mon entreprise », a reconnu Mme Boivin au micro de Voix de la P.I. canadienne, un balado de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada du gouvernement fédéral. « Je n’oublierai jamais le découragement que j’ai ressenti. On m’a toutefois expliqué que le fait que ma [the design’s] et ait été maintenue à jour toutes ces années me protégeait. J’avais certains recours, pouvant entamer des procédures en usurpation de marque. »

Au bout du compte, Mme Boivin a appris l’importance de protéger la propriété intellectuelle (PI) de son entreprise. Et elle n’est pas la seule.

« C’est connu, les entreprises qui détiennent des droits de PI sont plus susceptibles de faire de l’exportation », explique Lisa Desjardins, gestionnaire de la conception et du développement des services aux entreprises à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada. « Dans les faits, si vous détenez des droits de propriété intellectuelle, vous avez des droits exclusifs sur le marché. C’est certainement un moyen d’accroître sa part de marché, sans se limiter au Canada. »

Mieux protéger la PI, c’est permettre à un plus grand nombre d’entreprises canadiennes de rayonner à l’international. Mais aux dires de Mme Desjardins, « de manière générale, la PI est un sujet très méconnu au Canada, sans compter que les entreprises canadiennes sont très peu nombreuses à détenir des droits de PI. Ça nous place dans une situation très vulnérable en matière d’exportation. »

Par ailleurs, les femmes canadiennes propriétaires d’entreprise sont moins susceptibles d’obtenir des droits de PI, comparativement à leurs homologues masculins. D’après les plus récentes données de Statistique Canada, de « 2001 à 2019, les entreprises dont les propriétaires sont des hommes étaient à l’origine d’une plus grande part des demandes de brevet que celles dont les propriétaires sont des femmes et que celles appartenant à parts égales à des personnes des deux sexes, et l’écart observé n’a pas rétréci au cours de cette période. » Le rapport précise également que malgré la hausse du pourcentage de femmes occupant un poste en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM) au fil du temps, « l’activité de brevetage des femmes est systématiquement inférieure à la proportion des emplois qu’elles occupent ». Selon Statistique Canada, les femmes seraient même plus nombreuses que les hommes à affirmer que la PI n’est pas importante dans un contexte d’exportation.

L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle dispose d’un plan d’action mondial pour combler le fossé entre les hommes et les femmes. Mais comment faire pour agir concrètement dans notre travail avec des entrepreneures? Tout d’abord, il y a des principes de base qu’il faut s’assurer de bien comprendre.

Pourquoi la PI est-elle importante?

« La PI, c’est un impératif pour toute entreprise, soutient Mme Desjardins. Et il est important de protéger la PI à l’étranger, que vos clients aient ou non l’intention de faire de l’exportation. »

Prenons l’exemple de la fabrication. « Si je fais fabriquer des pièces dans un pays où ma PI n’est pas protégée, rien n’empêche qui que ce soit de copier cette pièce dans le pays en question, poursuit Mme Desjardins. « C’est le genre de situation que l’on voit régulièrement. Le fait de disposer de droits enregistrés, même dans les endroits où l’on ne vend pas forcément de produits, cela ouvre tout un éventail de recours administratifs et juridiques très efficaces auxquels on n’aurait aucunement accès autrement. »

« Nous vivons dans une économie axée sur le savoir où la PI est cruciale », souligne Véronique Pagé, vice-présidente des opérations et de l’analytique de la PI au Collectif d’actifs en innovation, un organisme sans but lucratif qui aide les entreprises de technologies propres à combler leurs besoins en matière de PI.

Les droits de PI sont importants pour l’ensemble des propriétaires d’entreprise – il suffit de penser à ce qui pourrait se produire sans ces droits. « Les exemples les plus tristes sont ceux de gens qui ont mal compris le système et qui commencent à imprimer le nom de leur entreprise sur leurs cartes de visite, leurs camions, leurs produits, reprend Mme Desjardins. Peut-être que l’appellation ressemble à celle d’une grande entreprise qui détient les droits enregistrés et qui peut essentiellement mettre fin à toute utilisation de toute appellation commerciale similaire à la sienne. »

Selon Véronique Pagé, l’assurance de la PI est un outil efficace et populaire offrant une protection sur toute la ligne aux propriétaires d’entreprise, et peut surtout servir de garantie avant l’exportation. « Inutile d’essayer d’invalider tous les brevets de la planète. Mais l’assurance vous aidera à couvrir les coûts si et quand votre client n’a d’autre choix que d’intenter des poursuites. »

Briser les mythes entourant la PI à l’international

Lisa Desjardins estime qu’un grand nombre de propriétaires croient à tort que les droits de PI dans un pays s’appliquent partout ailleurs où l’on mène nos activités commerciales.

« On fait fausse route. La seule chose qui pourrait ressembler à une forme de droit à l’échelle mondiale serait le droit d’auteur, qui, une fois enregistré, demeure le nôtre dans la plupart des régions du monde. Ce n’est toutefois pas le cas des brevets, des marques de commerce, des dessins industriels ou des droits des obtenteurs, qu’il faut faire enregistrer en bonne et due forme. »

Autre mythe à déboulonner : la croyance que lorsque les propriétaires d’entreprise ont soumis une demande de protection, leur PI serait protégée dans l’attente de l’approbation. Ça n’est pas le cas non plus, nous dit Mme Desjardins. Voilà pourquoi il est si important d’attendre de recevoir la protection complète dans le marché visé avant de faire de l’exportation.

Intégrer les droits de PI internationaux au plan d’affaires

De l’avis de Véronique Pagé et de Lisa Desjardins, les droits de PI devraient faire partie intégrante de la stratégie de tous les propriétaires d’entreprise, et ce, dès le départ. Mme Desjardins recommande de se reporter à la Liste de contrôle pour l’inventaire de la PI afin de se faire une idée des droits pouvant être revendiqués par les propriétaires d’entreprise.

Mme Pagé propose quelques questions à se poser : « Comment faites-vous pour vous démarquer dans le marché? Quelle est la technologie qui permet de vous distinguer ainsi? » La stratégie en matière de PI peut se construire autour de ces facteurs de différenciation et de ces technologies. « Une entreprise peut augmenter sa valeur simplement en étant bien positionnée avec une stratégie solide en matière de PI. »

Cette notion d’augmentation de la valeur, on l’entend ici au sens propre. Mme Desjardins abonde dans le même sens : « Le fait de détenir des[having IP rights in other markets is] dans d’autres marchés ne peut être que bénéfique pour l’évaluation de l’entreprise, puisque cela limite la concurrence. Autrement dit, de tels droits se traduisent par une plus grande valeur commerciale. Pour des gens d’affaires qui s’intéresseraient à l’entreprise, cela peut faire toute la différence. Il suffirait par exemple d’expliquer que notre marque de commerce est bel et bien déposée aux États-Unis, mais que ce n’est pas un marché auquel l’entreprise s’est attaquée encore. Et que toutes les conditions sont réunies pour percer le marché américain. »