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Soutenir les entreprises dirigées par des personnes noires

Par Claudine Gervais

En juin dernier, quand Francine Bhati a commencé à voir apparaître des carrés noirs dans les médias sociaux accompagnés du mot-clic #BlackoutTuesday, elle s’est demandé comment elle pourrait préserver cette prise de conscience pour éviter qu’elle ne suscite qu’un intérêt momentané dans les fils d’actualité. Elle craignait de voir le soutien exprimé se transformer en phénomène typique du Web, attirant l’attention une journée pour être sitôt oublié le lendemain.

Au cours des dernières années, la propriétaire de l’entreprise Queenfidence Cosmetics s’est sentie interpellée et a voulu créer des liens avec d’autres entrepreneurs noirs et les soutenir. Le mouvement collectif #BlackoutTuesday l’a donc galvanisée.

Elle s’est servi des réseaux sociaux non seulement pour faire connaître son entreprise, mais aussi pour ouvrir son cœur. Lorsque George Floyd a été assassiné, elle a raconté avoir eu le cœur brisé. Cet événement et d’autres actes d’injustice et de racisme ont fait remonter à la surface des souvenirs de peur et d’horreur qui ont marqué son enfance. Enfant elle a dû fuir son pays natal avec ses parents et ses cinq sœurs lors de la deuxième guerre du Congo.

La famille a passé 10 ans en Ouganda dans un camp de réfugiés avant d’arriver à Winnipeg, en 2012.

Alors qu’elle voyait les gens identiqueter des entreprises dirigées par des personnes noires sur les réseaux sociaux, elle s’est dit qu’il devait y avoir une meilleure façon de démontrer son soutien. Elle a communiqué avec sa sœur Odette, propriétaire de l’entreprise Timely Staging and Design, pour discuter de ce qu’elles pourraient faire.

L’idée de créer un répertoire d’entreprises dirigées par des personnes noires s’est démarquée. Elles se sont donc adressées à leur amie Ima Eknem qui partageait leur enthousiasme et possédait les compétences techniques pour créer un tel répertoire. Le répertoire Black Owned Manitoba a ainsi été lancé à la fin juin.

« J’ai été témoin des obstacles, explique Francine en donnant comme exemple l’entreprise de sa sœur Odette. Celle-ci avait décidé de ne pas inclure de photo d’elle dans le site Web de son entreprise de crainte d’être discréditée en tant que femme noire en raison des stéréotypes.

Selon Francine, il est aussi possible de constater des inégalités économiques en comptant le nombre d’entreprises et de marques appartenant à des personnes autochtones, noires et de couleur représentées dans les principaux magasins de détail au Canada.

Le répertoire guide les gens et leur permet d’investir à long terme dans des entreprises manitobaines dirigées par des personnes noires, ce qui aura pour effet d’améliorer la situation économique des communautés noires. Il est plus facile de démarrer une entreprise que de la faire durer. Les alliés peuvent démontrer leur soutien en faisant des achats dans des entreprises dirigées par des personnes noires, ce qui peut représenter une partie de la solution, ajoute Francine.

Depuis le lancement du répertoire Black Owned Manitoba, les commentaires reçus ont été extrêmement positifs. Bien qu’elles aient reçu leur part de remarques racistes et de commentaires polarisants, cela n’a jamais affecté leur vision et leur passion pour favoriser la croissance économique de la communauté noire du Manitoba.

En novembre, les trois fondatrices du répertoire Black Owned Manitoba présenteront une conférence virtuelle dans le cadre de l’événement How Your Business Can Support Diversity & Inclusivity de la Chambre de commerce de Winnipeg.

Francine aimerait voir plus d’organisations mettre l’accent sur l’inclusion en allant plus loin que le simple fait d’avoir une personne autochtone, noire ou de couleur au sein d’une entreprise ou d’un organisme et en s’assurant plutôt que la voix de ces personnes soit entendue et qu’elles participent aux processus de prise de décisions.

Les projets pour le répertoire Black Owned Manitoba incluent la poursuite des efforts dans la province avant d’envisager une expansion dans d’autres régions du Canada. Elles envisagent aussi de créer un marché lorsque la pandémie ne représentera plus un obstacle à l’organisation d’un tel événement.

« Ça me réjouit vraiment le cœur de voir des entreprises mises en valeur et soutenues. »

Le 2 juin 2020, le mouvement collectif #BlackoutTuesday a entraîné la publication de millions de carrés noirs sur Instagram. Ce mouvement a débuté lorsque deux femmes noires de l’industrie de la musique, Jamila Thomas et Brianna Agyemang, ont proposé de faire une pause pour avoir « une conversation honnête, réfléchie et productive sur les gestes à poser collectivement pour soutenir la communauté noire ». Elles ont utilisé le mot-clic #TheShowMustBePaused. L’idée a pris son envol alors que des célébrités, des influenceurs et de grandes sociétés ont publié des carrés noirs. Toutefois, avec la popularité grandissante de ces publications, le message original est devenu plus difficile à cerner, car le carré noir était reproduit de façon imprécise et les préoccupations relatives à l’utilisation du mot-clic #BlackLivesMatter empêchaient les gens de trouver l’information voulue sur le mouvement et les personnes qui se mobilisaient à ce sujet.